Le Potager du Roi
Réalisé à la demande de Louis XIV par l’architecte Jules Hardouin-Mansart entre 1678 et 1683, le Potager du Roi réunit depuis sa création une triple mission : produire, expérimenter et transmettre.
Allier l’utile à l’agréable
Chiara Santini, professeure en Histoire des jardins et du paysagisme
Avec, à l'origine, vingt-neuf jardins clos plantés d'arbres fruitiers palissés, de légumes, d'aromates et de petits fruits, un vaste carré central divisé en seize carrés de légumes, un grand bassin d'eau, de hauts murs, des terrasses plantées, des voûtes et des passages souterrains comme autant de coulisses ... le Potager du Roi scénographie le pouvoir royal sur une nature domestiquée, productive et, ainsi, jugée agréable. Si les murs du jardin créent des microclimats pour les cultures et encadrent des scènes au sein des différents espaces du Potager, c’est bien son atmosphère unique qui continue de fasciner les visiteurs.
Reflet d’un idéal alimentaire
Antoine Jacobsohn,
adjoint à la directrice de l'École nationale supérieure de paysage, en charge du Potager du Roi
Dans son ouvrage paru à titre posthume en 1690, Instruction pour les jardins fruitiers et potagers, Jean-Baptiste de La Quintinie propose au lecteur une gravure pour introduire l’épître au Roi. Au premier plan de cette gravure, figure un groupe de personnages. En son centre, l’un d’entre eux présente un plateau de fruits au seul personnage coiffé d’un chapeau : c’est La Quintinie qui offre des figues à Louis XIV. Ici, le souverain n’est pas une personne mais l’incarnation de la France et le livre témoigne dès lors de la volonté d’extension du Potager, au-delà de la cour, vers la France entière, que ce jardin nourricier résume aux pieds du château. Des cultures sur couches au développement des primeurs, de l’acclimatation de nouvelles espèces aux expérimentations des traitements de synthèse, de la permaculture au paysage, l’histoire du Potager du Roi abonde d’illustrations témoignant de l'évolution des modes de production et de consommation alimentaires de l’époque moderne à nos jours et, plus généralement, de l’évolution de notre rapport au manger !
Enjeux de restauration
Jacques Moulin,
architecte en chef des monuments historiques
Face à l’état de dégradation visible du Potager du Roi, aggravé par la tempête de 1999, le « chantier du siècle » est lancé par l’École nationale supérieure de paysage avec le soutien du ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation et l’appui du ministère de la Culture. Une réhabilitation conséquente est nécessaire, la troisième de l’histoire du site, avec une restauration d’une grande partie des éléments architecturaux structurants du jardin (murs, terrasses, voûtes, armatures du Grand Carré, bâtiments classés, réseau de drainage, …) et la replantation progressive et raisonnée du fruitier.
Nourrir
et innover
François-Xavier Delbouis,
jardinier en chef du Potager du Roi
Le Potager du Roi est un jardin de production intensif dès l’origine. Sur le plan des itinéraires agronomiques, Jean-Baptiste de La Quintinie ne fait pas de rotations culturales. L’épuisement des terres est compensé par des apports massifs de l’extérieur, fumiers d’abord, mais terres végétales également. Aujourd’hui, avec la culture de légumes, de plantes aromatiques vivaces, de plantes herbacées et de près de 4 000 arbres fruitiers (140 variétés de poires, 160 variétés de pommes, mais aussi des pêchers, figuiers, abricotiers, pruniers, …), la mission confiée à La Quintinie, « nourrir et innover », est plus que jamais d’actualité pour l’équipe des 9 jardiniers du site. L’évolution des itinéraires techniques, engagée depuis plusieurs années avec la mise en place de pratiques agroécologiques (agriculture sur sol vivant, agroforesterie) et la réactivation de pratiques maraichères datant du début du 19e siècle, vise à donner un temps d’avance au Potager du Roi en termes de gestion durable et de transmission.
Partager et transmettre
Juliette Sibillat, responsable de la politique des publics et de l’événementiel
Derrière ses hauts murs, le Potager du Roi n’est historiquement pas un jardin ouvert. D’un lieu spécialisé, fréquenté seulement par des jardiniers, étudiants, enseignants, professionnels et quelques privilégiés, le site a progressivement été ouvert au grand public dans les années 1990. Travaillant en partenariat avec des structures publiques, privées, associatives, éducatives, en France et à l’international, l’École nationale supérieure de paysage développe sa politique des publics pour favoriser l’accessibilité du site et permettre à chacun de se l’approprier.